Dans le journal Le Soir du lundi 14 novembre, Maggie de Block répondait aux critiques. Arc-en-Ciel Wallonie avait en effet dénoncé le caractère discriminatoire de l’obligation d’abstinence d’un an pour les hommes ayant des relations avec des hommes pour le don de sang.
Arc-en-Ciel Wallonie se propose de vérifier ses réponses :
« Avant, le débat n’était pas possible : les hommes qui avaient des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) étaient exclus à vie. Puis, la Cour européenne a dit que cela n’allait pas. » : VRAI
Un arrêt de la Cour de Justice de l’UE du 29 avril 2015 a estimé que « l’exclusion doit reposer sur des données fiables et pertinentes » et qu’« il faut respecter le principe de proportionnalité ». En clair, elle ouvre la voie à la révision du questionnaire soumis aux candidats donneurs pour mieux cibler le comportement à risque plutôt qu’un groupe dans sa totalité, ainsi que la réduction de la durée d’exclusion, comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays européens.
« Parce que les méthodes scientifiques actuelles ne permettent pas à 100 % de raccourcir cette période sans toucher à la sécurité pour le patient. » : FAUX
Tout d’abord, la période d’abstinence d’un an ne repose pas sur des arguments scientifiques. 4 mois sans risque serait, comme pour les hétéros, tout à fait « sûr ».
Alors que les hétérosexuels et lesbiennes doivent (1) ne pas avoir pris de risque (2) au cours des 4 derniers mois, les gays ou hommes ayant des relations avec des hommes se voient obliger (1) d’être abstinent (2) pendant 1 an.
Pourquoi de ne pas appliquer les 4 mois aux gays ? Cette période permet de réduire tous les risques de « non détection ». Cela correspond à la « fenêtre silencieuse », à savoir la période qui suit l’infection et pendant laquelle la détection du virus est impossible. La fenêtre silencieuse la plus longue (hépatites B et C) est de 60 jours. En la doublant, par principe de précaution, on atteint les 4 mois. D’où ces 4 mois d’exclusion.
Ensuite, Maggie de Block veut parler du « risque résiduel », soit l’évaluation du risque d’un accident transfusionnel, la probabilité qu’un receveur de sang soit infecté par le VIH. Pourtant, entre 2005 et 2010, les institutions de santé publique belges ont obtenu des chiffres très différents, évoluant très différemment et leur permettant de conclure une chose, et son contraire. Ce calcul pose donc des questions : que mesure vraiment le calcul du risque résiduel ? Y-a-t-il un quelconque rapport avec le réel ? Ces écarts faramineux sur dix ans, tout autant que la volatilité du risque résiduel d’année en année, en font-ils une donnée fiable et pertinente au sens où l’entend la Cour Européenne de Justice ?
Enfin, avec ou sans HSH, « 100% de sécurité » n’est jamais atteint, c’est la base même de toute hypothèse scientifique.
« Vous savez, un hétéro sur 5.000 risque de développer le HIV ; chez les hommes homosexuels, ce rapport est d’un sur vingt. » : FAUX
Maggie de Block fait référence à la prévalence, qui représente le nombre total de personnes vivant avec le VIH à un moment donné. Selon les calculs du CSS, la prévalence parmi les HSH est 67 fois supérieure à celle de la population masculine hétérosexuelle. Après petit calcul, cela donne donc 5 hétéro pour 5000, et 1,34 pour 20 homos.
Et si Maggie parle de l’incidence, qui concerne les nouveaux diagnostics d’infection au VIH par année, elle est 62 fois supérieure parmi les HSH selon l’ISSP à celle qui concerne les hommes hétérosexuels. De nouveau, la méthode de calcul est contestable quand on sait que l’origine de la transmission (HSH, hétéro, etc) est inconnue pour 30% des nouveaux cas. Pourtant, l’institut fait comme si ces 30% se répartissaient de la même manière que les cas connus. Qu’est ce qui permet de considérer cette hypothèse comme valable ? Ensuite, les HSH représentent une population fortement dépistée, ce qui a un impact non négligeable sur les statistiques.
La catégorie HSH est, elle-même, controversée, nous en parlons plus ci-dessous.
Cependant, il est vrai que la population HSH atteint du VIH augmente d’année en année… cela veut dire qu’ils n’en meurent plus, sont sous traitement et ne peuvent plus transmettre le virus !
Ajoutons à cela que la prévalence du VIH est aussi inégale au sein de la population hétérosexuelle. Il serait naïf de penser qu’il n’y a aucune différence entre de grandes villes, des capitales, et des régions rurales. La probabilité de croiser le chemin du VIH est forcément plus impotante dans les grandes villes. A notre connaissance il n’y a aucune réflexion ou prise de position à ce sujet.
« L’exclusion se fera sur base du comportement à risques et non de l’orientation sexuelle. » : FAUX
Selon nos informations, l’exclusion concerne les « Hommes ayant des relations avec des hommes ». C’est donc à la fois une discrimination basée sur le genre et l’orientation sexuelle. Certes, le sexe anal est plus à risque, quand il n’est pas protégé, mais est-il réellement pratiqué uniquement par… des hommes ?
Par ailleurs, cette catégorie est controversée. Comme il n’y a pas d’étude belge évaluant notre population HSH, le CSS s’en réfère à « la littérature » et retient le chiffre de 3%. La plupart des études démontrent pourtant que le chiffre serait plutôt de 11 à 15%.
Pourtant, l’estimation de ce pourcentage est crucial car, à lui seul, il impacte et tronque l’ensemble des autres statistiques. Sous-évaluer la population HSH permet d’augmenter les pourcentages de prévalence, d’incidence et de risque résiduel et contribue donc à véhiculer le message qu’il n’est pas prudent de lever l’interdiction.
Conclusion
Maggie de Block tente donc de s’appuyer des arguments scientifiques contestables et contestés. Ses réponses ne nous satisfont toujours pas. D’autres critères, objectifs et non-discriminatoires, devraient être pris en compte. Etre homosexuel ne devrait pas empêcher de remplir un acte citoyen et de solidarité : donner son sang.
Disponible sur le site du journal Le Soir : http://plus.lesoir.be/68623/article/2016-11-14/maggie-de-block-au-soir-un-examen-dentree-il-est-grand-temps
Albessard Guillaume, sur base des travaux d’Arseni Arnaud et Delaval Thierry
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