Journée mondiale de la visibilité trans*

Journée mondiale de la visibilité trans*

Le 31 mars, nous célébrons la journée mondiale de la visibilité trans* ! Elle rend visible leur parcours et vise à faire prendre conscience des discriminations qu’elles doivent encore affronter aujourd’hui dans le monde entier.

À cette occasion, la Maison Arc-en-Ciel de la province de Luxembourg a rencontré Joyce, Alexys, Manon et Lola qui ont accepté de répondre à nos questions et de partager avec nous leur expérience et leur ressenti face à cette journée.

Peux-tu te décrire brièvement?

Joyce : Je m’appelle Joyce et je suis une personne. Je suis toujours étonnée que l’on doive se définir comme étant une personne transgenre. Les personnes cisgenres ne vont pas dire « Bonjour, je m’appelle Joséphine et je suis une personne cisgenre ». Pour moi, ça n’a aucun sens.

Alexys : Je m’appelle Alexys, j’ai 26 ans et je suis animateur et chargé de communication dans le secteur socio-culturel. Je suis un homme trans.

Manon : Je m’appelle Manon. Je suis une personne transgenre depuis une dizaine d’années. J’habite à Arlon.

Lola : Je me prénomme Lola, je suis une femme trans* de 74 ans. Cela fait moins de 20 ans que je suis dans le genre qui est le mien depuis ma naissance et j’essaie de faire en sorte de vivre ma vie le plus correctement possible en tant que femme.

Qu’entends-tu par visibilité trans* ? Est-ce que la transidentité est visible en Belgique ?

Joyce : Oui, nous sommes visibles légalement. Socialement, l’être humain est hypocrite. « Oui, on en parle… Oui, j’ai vu cela à la télé… Mais, je ne veux pas de ça chez moi ! Heureusement que mes enfants sont normaux ! » Qu’est-ce que c’est la normalité ? La normalité, c’est votre normalité qui est établie dans votre vision et qui a été établie par la société. La normalité de la nature, c’est qu’elle ne travaille jamais en ligne droite, elle ne fait jamais rien de similaire, elle ne fait pas de copie. Les êtres humains sont différents et, dans les différences, il y a toute la gamme LGBTQIA+++.  C’est des variantes de la nature et c’est ça la norme de la vie. Cependant, pour une question d’organisation et de maitrise, l’être humain doit être un bon petit mouton.

Il y a une visibilité dans la société, mais pas trop quand même… « Pas dans ma famille… ». D’où le problème de coming out. Pour moi, il n’y a pas d’obligation de le faire. Une personne transgenre se fait « outer » involontairement, mais moi personnellement je ne l’ai jamais dit. Pourquoi se outer ? Je suis un être humain comme n’importe quel autre être humain. Pourquoi moi je dois me justifier d’être moi ? Qui sont-ils tous ces gens pour me juger et me condamner ? Parce que les personnes qui se permettent de juger, c’est rarement pour acquitter les autres. Mais, c’est vrai, il est plus facile de lapider.

Alexys : Par visibilité trans*, j’entends la présence établie et respectée des personnes trans* dans l’espace public. Même si je suis heureux d’avoir pu faire ma transition en Belgique, qui pour moi est un des pays les « moins en retard » sur le sujet, la transphobie est toujours présente, et la transphobie tue. Nous sommes nombreux.ses, beaucoup plus que les personnes cis le pensent ! Nous nous fondons dans la société et sommes parfois avalé·es par elle.

Manon : Elle est visible parce que l’on en parle de plus en plus, on en fait des débats, on voit des films. Elle est acceptée parce que je n’ai jamais eu de remarque désobligeante sauf lorsque l’on se trouve au mauvais endroit au mauvais moment. J’ai toujours eu que de la bienveillance par rapport à mon identité. Mon plus gros souci, c’est de ne pas être acceptée par ma famille. Depuis que j’ai fait ma transition, je ne peux plus voir mes enfants ni mes petits-enfants. On est plus facilement accepté·e par des étrangers que par sa propre famille.

Lola : Connaissant la mentalité de la Belgique et la prétention qu’elle a de se dire à la pointe des progrès par rapport à la communauté LGBT, on peut dire que, oui, la visibilité trans* est correcte en Belgique. Mais, personnellement, j’ai quand même des doutes. Oui, on laisse souvent les personnes trans* tranquille quand elles vont quelque part. Mais, malgré tout, lorsqu’une personne trans* fait son coming out au travail, cela se termine souvent par un licenciement. Les patrons n’aiment pas trop avoir une personne trans* visible dans ses bureaux ou dans ses ateliers. Finalement, la personne transgenre n’est guère visible. C’est malheureux, car nous  avons une ministre transgenre en Belgique, cependant nous n’avons jamais entendu parler de la transidentité. Je parie que dans les Belges, il y en a qui ne savant même pas qu’elle est trans*. Finalement, non, la visibilité des personnes trans* en Belgique a encore beaucoup de progrès à faire.

Qu’en est-il de la sécurité des personnes trans* ?

Joyce : C’est une question assez difficile pour moi, car je ne fréquente pas un certain nombre de lieux. Je limite mes sorties dans les grandes surfaces ou dans les endroits sécurisés. Personnellement, je n’ai jamais eu aucun problème au niveau de ma sécurité, mais je m’arrange aussi pour ça. Après,  je peux malheureusement tomber un jour sur la ou sur les mauvaises personnes. Nous sommes privilégié·e·s en Belgique, car nous sommes protégé·e·s par la loi. Cela vaut ce que ça vaut.

Alexys : Quand on a un « bon passing » (le bon passing est un mythe, car il implique qu’on doive manquer de respect à une personne qui n’a pas un bon cispassing. C’est transphobe, car la personne trans est ce qu’elle dit être, indépendamment de son apparence physique), on devient des personnes cis aux yeux du monde, on est « en sécurité », on fait partie du gang. J’ai de la chance d’être perçu comme un homme dans une société patriarcale, ce qui représente son lot de privilèges alors que j’ai été éduqué comme une fille cis. Ces privilèges inhérents à mon « statut d’homme » sont perturbants et basés sur une misogynie et sur une LGBTphobie latente. Par exemple : maintenant, quand je parle, on m’écoute, on ne m’interrompt plus, je ne subis plus le harcèlement sexuel en rue, et j’ai parfois peur qu’une femme ait peur de moi parce que je suis un homme. Ces privilèges, aussi nauséabonds qu’ils soient, on les enlève aux femmes trans. Aux yeux des personnes cis, surtout les hommes, faire une transition MTF, c’est perdre sa virilité, perdre son identité, et « régresser ». Les femmes trans*, et surtout les femmes trans* racisées, sont des minorités vulnérables face à la société cishétéronormée.

Manon : Personnellement, en restant dans ma ville, en allant dans les commerces, je n’ai jamais eu de problème. Pour le moment, tout se passe bien, car je ne suis pas encore tombée au mauvais endroit au mauvais moment.

Lola : En général, les personnes trans* sont en sécurité en Belgique, sauf quand elles tombent sur un idiot, mais ça on ne sait pas le deviner. J’ai des amies trans* qui ont été victimes de harcèlement, car elles étaient au mauvais endroit, au mauvais moment. Pour le reste, personnellement, je n’ai eu qu’une seule fois des soucis avec quelqu’un dans un restaurant. Si une personne n’aime pas les personnes trans* mais qu’elle est civilisée, il ne se passera rien.  La sécurité est aléatoire.

Selon toi, comment pourrait-on améliorer la visibilité des personnes trans* ?

Joyce : Par les écoles. Je pense que le simple fait d’en parler, de dire que l’être humain est fondamentalement différent, tous les êtres humains sont uniques, la différence humaine est une richesse. La différence n’est pas un crime. C’est une démarche qui devrait être proposée dès l’école maternelle, non pas pour apprendre la vie affective, mais pour apprendre le respect de l’autre. Améliorer cette visibilité, c’est un travail au niveau de l’école et de tous les  jours.

Alexys : Il est important qu’un travail de fond soit effectué dans notre société : de la militance bienveillante dans le but de sensibiliser des publics qui ont l’habitude de nous rejeter. Je suis pour ce concept. Pour imposer des formations aux membres du personnel administratif, pour leur expliquer comment prendre en charge les demandes des personnes trans*. Des formations également pour la police, pour le corps enseignant, pour le corps médical. La mise en place d’une prise en charge psychologique respectueuse pour les personnes trans* et leurs proches. Ouvrir le dialogue, privilégier l’échange d’expérience, confronter les vécus. Faire comprendre aux personnes cis qu’iels doivent s’asseoir et nous écouter, plutôt que de vouloir toujours parler à notre place et savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous. Ce sont nos corps, c’est notre douleur, c’est notre joie aussi. Nous ne cherchons pas à dominer la société, mais à être inclus·es et respecté·es dans notre identité et notre parcours. J’ai la chance d’évoluer dans un milieu socioprofessionnel très ouvert à ces sujets et c’est un honneur pour moi de parler de ça auprès des personnes non-concernées, parce que si une seule personne écoute ce que j’ai à dire et change sa vision qu’iel peut avoir de notre communauté, alors j’ai tout gagné.

Manon : Il faut en parler, en parler et en parler encore. Il ne faut pas avoir peur de répondre aux gens qui vont poser des questions stupides.

Lola : Il faudrait déjà faire en sorte que ce ne soit pas une spécificité. La meilleure visibilité que les personnes trans* pourraient avoir, c’est de ne pas en avoir et qu’elles soient considérées dans la société comme toute autre personne et que tout se passe au mieux. Le problème, c’est que beaucoup de gens font preuve de curiosité malsaine. Pour améliorer la visibilité, il faudrait qu’on accepte les personnes trans* telles qu’elles sont et qu’on ne les ennuie pas avec le fait qu’elles soient trans*.