Monsieur le Ministre,
Veuillez excuser la liberté que je prends en vous écrivant cette lettre et permettez-moi d’abord de me présenter.
Je m’appelle Lola Nicolas et je suis âgée de 69 ans.
Je suis une femme transgenre complètement accomplie depuis 2008.
En cette qualité, je suis responsable du groupe transidentitaire de la Maison Arc-en-ciel de la province du Luxembourg. C’est en raison de ma position au sein de la communauté transidentitaire que je m’adresse à vous.
J’ai été particulièrement surprise lorsque j’ai entendu à la radio que vous envisagiez d’apporter des modifications à la loi du 10 mai 2007 sur la « transsexualité ». Ayant totalement accompli ma transition en respectant les directives de cette loi, j’ai subi pendant près de cinq ans l’horreur au quotidien à tel point que j’ai maudit le législateur d’avoir eu l’audace de si peu respecter les droits humains. J’ai donc été très impatiente de connaître vos intentions pour permettre une meilleure considération des personnes transgenres en Belgique. J’espérais apprendre que vous aviez pris exemple sur l’Argentine et Malte pour établir votre projet de Loi.
Les premiers éléments portés à ma connaissance ont renforcé cet espoir car je trouvais que tout cela allait dans le bon sens. Hélas, j’ai vite déchanté ! En effet, lorsque j’ai appris que la personne désirant changer de prénom et de genre devrait attendre que le procureur du roi rende un avis favorable, je me suis retrouvée dix ans en arrière ! À l’époque, la personne trans devait attendre le bon vouloir d’un psychiatre et demain ce sera le bon vouloir du procureur du roi.
Je me demande vraiment de quoi vous avez peur ? Une telle mesure montre que le législateur a peur des personnes transgenres ! L’article 1 de la charte des droits humains dit que : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Et la liberté dont parle cet article devrait permettre aux personnes transgenres de s’autodéterminer dans leur genre et leur identité sans être soumises aux aléas de la bonne ou mauvaise volonté d’un magistrat. Pourquoi une telle mesure ? Dites-moi sur quoi va pouvoir se baser le procureur du roi pour rendre sa décision ? Au départ, il ne connaît déjà pas la personne introduisant la demande, et ce n’est pas tout ce que pourra lui rapporter la police ou des services sociaux qu’il connaîtra mieux la personne ! Personne ne peut savoir ce que ressent et ce que vit une personne transgenre à part la personne elle-même ! De plus, cette mesure ne va pas placer toutes les personnes transgenres sur un pied d’égalité car le procureur du roi de la province du Luxembourg et celui d’une autre province n’auront pas la même ouverture d’esprit, le même respect envers les personnes différentes et s’appuieront sur des critères différents pour prendre leur décision. Donc votre loi va à nouveau être discriminante ! Et cela est vraiment désolant !
Par contre, je dois vous dire que je suis favorable aux mesures proposées pour les adolescents. Elles doivent cependant être détaillées afin d’être vraiment efficaces. Permettez-moi donc de vous préciser ce que je considère comme une loi juste, équitable et respectueuse des personnes.
1. Modification du prénom et du genre de la personne sur simple déclaration devant l’officier de l’État-civil de la commune de son domicile.
2. L’officier de l’État-civil établit un acte officiel de ces changements et entame la procédure pour obtenir des nouveaux documents d’identité à la personne intéressée.
3. À la réception de ces documents, il les fait remettre à la personne demanderesse.
4. Tout ce qui a rapport au médical, est de la compétence des médecins et les psychiatres ne doivent plus donner leur feu vert pour recevoir quelque traitement que ce soit.
5. La loi doit préciser que la « transidentité » n’est pas une maladie mentale mais un état !
6. Ne plus jamais parler de « transsexualité » lorsqu’il s’agit de parler des personnes transgenres car ce terme est faux étymologiquement, il est discriminant et insultant pour les personnes concernés. Il est préférable et mille fois mieux de parler de la « transidentité », terme qui correspond parfaitement à l’état des personnes transgenres.
7. En ce qui concerne les adolescents mineurs d’âge, dès qu’ils sont reconnus et considérés comme enfants transgenres, il faut permettre aux médecins de leur administrer des inhibiteurs d’hormones afin de retarder l’apparition de la testostérone chez les garçons et des œstrogènes chez les filles. Ceci permettra à ces adolescents d’éviter de subir les dégâts causés par les hormones lors de leur croissance. Lorsqu’ils arriveront à leur majorité, ils prendront alors la décision finale en toute connaissance de cause.
8. Pour eux aussi, il est inutile de les soumettre au bon vouloir d’un pédopsychiatre car pas plus lui que les psychiatres dans mon cas ne sont aptes à décréter si la personne qui est devant eux est transgenre ou pas. J’ai dans mon groupe une jeune fille de 19 ans qui a été littéralement « jetée » par les psychiatres sous le prétexte qu’elle n’était pas transgenre. Je vous prie de croire que cette décision a détruit toute sa jeunesse et maintenant, elle suit les traitements médicaux à l’étranger. C’est donc qu’elle est bel et bien transgenre et que les psychiatres se sont trompés totalement à son sujet ! Il faut donc arrêter de permettre à des personnes tierces de nous juger ! Il n’y a que nous qui pouvons dire et affirmer ce que nous sommes réellement et ce que nous ressentons !
Voilà ! J’en termine ici en ayant plus que certainement oublié bien d’autres choses importantes à vous signaler. En tout cas, j’espère que vous aurez le courage moral de proposer une loi qui nous respecte et qui ne nous impose plus d’être soumis-es au bon vouloir de tierces personnes incompétentes dans ce domaine. Si vous le souhaitez, je suis prête à vous rencontrer et à vous éclairer sur ce qu’est réellement une personne transgenre.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très sincère considération.
Lola Nicolas, responsable du groupe transidentitaire de la Maison Arc-en-ciel de la province du Luxembourg
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