GUILLAUME BERNARD, PERSONNE DE CONTACT GENRE
A LA HAUTE ECOLE ROBERT SCHUMAN (HERS)
Propos recueillis par Charlie Robin, animateur, et Tamara, volontaire
Maison Arc-en-Ciel de la province de Luxembourg (service du CAL/Luxembourg asbl)
Il y avait déjà des questionnements… mais je pense que les étudiant·es avaient plutôt tendance à se tourner vers les référent·es de sections, qui n’étaient pas forcément bien formé·es et informé·es sur la question. En tout cas, la mise en place de ce poste répond à un besoin criant, que ce soit des professeur·es ou des étudiant·es. Sophie Baudoin, sous-directrice et coordinatrice de la section éducateur·ices spécialisé·es de la HERS.
Suite à la mise en place d’un poste de personne de contact genre au sein de la Haute école Robert Schuman (HERS) nous avons eu l’occasion, ce lundi 16 janvier 2023, au nom de la Maison Arc-en-Ciel de la province de Luxembourg, d’échanger avec Guillaume Bernard sur ses nouvelles fonctions.
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Bonjour, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Guillaume Bernard. J’enseigne les sciences à la HERS en section pré-scolaire et primaire. Je fais aussi une recherche à l’université de Namur sur la question de la transmission en classe lorsque le chapitre concernant « l’impact de l’Homme sur les écosystèmes » est abordé. En parallèle à toutes ces casquettes, j’ai encore 2-3 missions supplémentaires, dont la mission de personne de contact concernant le genre[1] pour la HERS.
La HERS compte 3 campus : Virton, Libramont et Arlon. As-tu un taux horaire défini pour chacun d’eux ?
J’ai 1/10ème, en théorie c’est 4h par semaine, environ, mais ce n’est pas forcément uniforme, défini. Je compte aussi dans mon temps de travail le fait de me documenter, de rentrer en interaction avec les gens et de voir un peu où on en est… Normalement, c’est censé être très administratif avec la rédaction du Gender Equality Plan (GEP)[2] ; c’est ce à quoi on doit arriver. J’ai plus ou moins décidé d’en faire autre chose ou, du moins, de ne pas faire du GEP la priorité absolue. Je pense qu’il vaut mieux profiter du fait d’avoir des heures pour faire un petit peu l’inventaire, pour voir quels sont les besoins des personnes dans le cadre scolaire et, par après, écrire cela dans un GEP sur base des informations récoltées.
La décision d’avoir une personne de contact genre est-elle une initiative de la HERS ou d’une autre institution ?
C’est une décision prise au niveau européen. Ça touche les écoles qui ont des projets de recherche. Il y a diverses conditions pour avoir les fonds, dont celle d’avoir une personne de contact genre et un Gender Equality Plan. On s’est dit qu’on allait voir ça comme une opportunité et pas comme une contrainte.
En tant que personne de contact genre, travailles-tu uniquement sur l’égalité entre les femmes et les hommes ou également sur les thématiques LGBTQIA+ ?
Sur le genre au sens large. C’est surtout sur l’égalité femmes-hommes dans un premier temps. Je pense que c’est surtout comme ça que l’Europe le perçoit, parce que je suis engagé sur base de fonds européens. On a néanmoins décidé de voir le genre au sens large plutôt que juste les questions d’égalité femmes-hommes. Il y a aussi des questions d’intersectionnalité auxquelles il faut être attentif·ves.
Au-delà du GEP, as-tu aussi pour but de rencontrer les personnes directement concernées par ces thématiques ?
Alors, un peu. Je suis surtout là en rôle de soutien. Par exemple, quand il y a un couac qui touche au genre, la direction vient me trouver pour voir comment interpréter, analyser et communiquer autour de cette situation. Le principal, c’est que tout le monde se sente à l’aise, qu’il puisse y avoir un discours autour de ça.
Pour l’instant, c’est surtout ça que je fais. De la gestion au jour le jour en fonction des besoins, le fait de recueillir des infos, les analyser, les interpréter en vue de fixer tout çà sur papier.
À ce stade, ton travail consiste à rédiger un GEP en vue de résoudre des problèmes liés à la discrimination sur base du genre. D’autres personnes, avec des expériences de vie différentes, peuvent te rejoindre pour accomplir cette tâche ?
Je suis chargé de centraliser les informations concernant le genre et de coordonner les efforts. Je ne peux pas faire ça tout seul. Je dois concerter les collègues et c’est à toute l’équipe de mettre des choses en place. Par exemple, les bibliothécaires ont fait un listing des ouvrages concernant le genre disponibles à la bibliothèque. C’est une liste qui va être actualisée et mise à jour. Il y a la juriste de la Haute École à qui j’ai demandé de m’expliquer comment elle gère les cas de harcèlement ou comment elle gèrerait un cas de harcèlement hypothétique. Les assistant·es sociaux·ales peuvent également participer, entre autres, à la réflexion sur l’accueil des personnes transgenres et/ou non binaires au sein de la Haute École.
Donc, je ne suis clairement pas tout seul ! Je n’ai pas à porter tout sur mes épaules et ce n’est pas à moi à avoir des casquettes trop différentes et incompatibles. Pour moi, le genre c’est un spectre. C’est un environnement d’informations multifactorielles qui s’entremêlent, on ne peut pas réduire l’information sur un seul axe ou en deux boites. Il y a aussi des gens qui ne sont pas sur cet axe ou dans ces deux boîtes et c’est OK. Il faut juste viser le plus de bienveillance possible avec chacun·e et laisser chacun·e être qui iel veut être.
Depuis ta prise de poste, as-tu reçu une ou plusieurs formations ?
C’est surtout de moi-même et sur base de mes propres recherches que je me suis formé. J’ai fait 3 jours de formation sur les stéréotypes liés au genre dans l’éducation numérique. En plus de la formation dont j’ai déjà parlé, il y a eu une journée de conférence avec les étudiant·es à l’université de Luxembourg sur l’hétéronormativité, les représentations de genre dans les manuels scolaires et la diversité corporelle, sexuelle et de genre. C’était super intéressant. J’envisage aussi de me former aux aspects sociaux et aux discriminations et violences basées sur le genre.
Dans le futur, aimerais-tu organiser des conférences ou des ateliers directement sur le campus ?
J’en ai déjà organisé un : un atelier à destination des collègues, sur base volontaire, à la rentrée académique. J’ai eu une vingtaine de collègues à qui j’ai présenté les enjeux liés au genre et à l’identité de genre, justement. J’ai choisi cette thématique de l’identité de genre, car c’est celle que je maîtrise le mieux. Elle touche un petit peu à tout au final et elle répond aux besoins spécifiques et aux demandes des gens parce que, à nouveau, j’ai eu pas mal d’enseignant·es de la section AESI qui sont venu·es et chez qui il y a des étudiant·es en transition ou en questionnement.
Des formations destinées aux étudiant·es sont un projet envisageable pour toi ?
Oui. C’est dans mes objectifs, mais cela demande du temps et de répondre à différentes contraintes. Je ne peux pas prendre les 800 étudiant·es d’un coup, ce n’est pas une bonne idée. Par contre, ça pourrait peut-être être intéressant de prendre toute une section. Ceci dit, je ne suis pas censé faire ça que pour le pédagogique. Je suis censé aller dans tous les campus… Donc, ce ne sera peut-être pas pour cette année. Il faut choisir ses combats.
En attendant, je pense que ce qui peut être intéressant, c’est de rentrer en contact avec les professeur·es de psychologie du développement, de les mettre en réseau et de voir ce qui peut se faire sur la thématique du genre. Je pense que c’est dans ce cours-là que cela s’intègre le mieux. Ou alors ce serait bien de dire « l’identité de genre, c’est le core-business de ce cours de psychologie du développement », comme ça les élèves n’en entendent pas parler dans 5 cours différents, juste pour soulever le voile et, au final, ne rien en faire. Cela peut aussi me permettre de me présenter à elle.eux, de leur proposer d’intervenir dans leurs cours si besoin et de leur transmettre des ressources ou des conseils, s’ils/elles en ont besoin, leur dire que je suis là pour ça.
As-tu un bon soutien de la part de la direction et/ou de tes collègues ?
Oui, vraiment bien. Même si certain·es collègues étaient parfois un petit peu réticent·es au début ou qu’ils/elles ne comprenaient pas trop l’intérêt. Lors de l’atelier, qui était sur base volontaire, j’ai eu une vingtaine de personnes inscrites et issues de différentes sections : j’avais des gens de l’informatique qui sont venus, par exemple, et ça, c’était vraiment chouette. Tout le monde dans cet atelier avait vraiment une vision bienveillante et une envie de bien faire. Une envie de préserver les étudiant·es, de se renseigner et de ne pas faire de gaffe. Ne pas rajouter du mal au mal. Ils/elles se rendent compte que ça peut être une situation difficile et délicate et qu’il peut y avoir pleins de choses qui se vivent mal ou qui se passent mal dans le privé, dans la famille et que ce n’est pas à l’école de rajouter du mal-être là où il y en a déjà potentiellement.
Ça nous aide en tant qu’enseignant·es, aussi bien dans notre travail qu’aux côtés des étudiant·es. C’est une aide pour les deux. À l’atelier, chacun·e était hyper demandeur·euse d’apprendre et d’avoir des conseils. J’ai trouvé ça vraiment positif. Sophie Baudoin, sous-directrice et coordinatrice de la section éducateur·ices spécialisé·es de la HERS.
Est-ce que tu proposes des entretiens individuels aux étudiant·es ?
Je l’envisage tout à fait si le besoin s’en fait sentir de leur côté. J’ai communiqué en ce sens, on verra si certain·es se manifestent. À nouveau, le plus important, c’est la bienveillance et de se sentir entouré·e, accueilli·e et accepté·e tel·le que l’on est. Ce n’est pas juste tolérer, c’est accepter et être inclue et valorisée en tant que personne. Construire son identité de genre, c’est compliqué. Un accompagnement peut être le bienvenu.
Ce qu’il faut se dire aussi, c’est qu’il y a des étudiant·es à qui j’enseigne… et ça, c’est plus délicat. Je pense qu’avec la Maison Arc-en-Ciel, il y a vraiment un partenariat qui peut être mis en place et qui peut être intéressant. Parce que, tous·tes les étudiant·es ne voudront peut-être pas aller vers un·e enseignant·e.
Une collaboration avec le Conseil Etudiants (CE) est-elle envisageable pour des projets ?
Oui, totalement. En octobre, on a fait une journée dans les bois et le CE a été assez impliqué à cette journée. J’en ai profité pour me signaler à elle.eux et dire que s’ils/elles ont besoin de moi : je suis là. Suite à cette journée, ils/elles ont eu l’idée de mettre en place des émissions de cuisine, dans lesquelles ils/elles abordent des enjeux sociétaux de la HERS, que ce soit au niveau de l’identité de genre, du langage… L’émission de cuisine est un prétexte pour parler de certains enjeux. Ils/elles ont voulu me faire intervenir dans le cadre de ce projet-là, mais ça doit encore se mettre en place. (…) Je suis aussi ouvert à former le CE s’il y a une demande.
Beaucoup de positif se dégage de tes actions jusqu’à présent… As-tu rencontré des obstacles, outre le temps ?
Non, en dehors du temps, je n’ai pas d’obstacles particuliers. Je suis hyper poussé par ma direction. Les collègues viennent se former de manière volontaire et avec une optique très bienveillante et positive. Ils/elles répondent à toutes mes questions et mes interpellations, ça fait plaisir de sentir qu’on fonctionne vraiment comme une équipe sur la question du genre !
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Nous tenons à remercier vivement Guillaume d’avoir donné de son temps pour réaliser cette entrevue à nos côtés, ainsi que pour ces échanges intéressants et instructifs. Nous remercions également Mme Baudoin de nous avoir permis de recueillir son point de vue pour alimenter cet article.
En tant qu’étudiant·e ou en tant que membre du personnel pédagogique, si vous avez le moindre questionnement sur les thématiques couvertes par le poste de personne de contact genre de Guillaume, vous pouvez le contacter à cette adresse : guillaume.bernard@hers.be
À la suite de cet entretien, la MAC-Lux et la HERS vont mettre en place une première collaboration avec une permanence le 23 mars entre 11h et 13h, lors de laquelle des délégué·es de la MAC-Lux ainsi que Guillaume pourront répondre à vos éventuelles questions et/ou vous recevoir en entretien individuel ou de groupe.
[1] Une personne de contact genre est une personne qui se voit confier la tâche d’étudier la place et l’impact du genre (non-binaire, femme, homme…) au sein d’une institution particulière. Ses fonctions peuvent être nombreuses et variées : recherche théorique sur le genre, rencontre avec des personnes, identification de problèmes au sein de l’institution, mise en place de solutions…
[2] Le Gender Equality Plan est un ensemble de directives à élaborer afin d’aboutir à des environnements de travail et d’étude plus égalitaires par rapport au genre. Le but est de favoriser l’égalité entre hommes et femmes, de mettre en évidence les problématiques rencontrées par les différents genres et de trouver des lignes de conduite à adopter pour résoudre des problèmes liés à la discrimination sur base du genre.